Le temps suspendu... A la découverte des villages Zafimaniry et de ses artisans du bois

Le temps suspendu... A la découverte des villages Zafimaniry et de ses artisans du bois

Partons en direction de la ville d’Ambositra et ses villages satellites qui forment le pays Zafimaniry, connu pour l’étonnant talent de ses habitants dans la sculpture du bois. Située au sud de la capitale Antananarivo, à environ 260 km, plus précisément entre Antsirabe et Fianarantsoa, Ambositra est en fait au cœur du pays Betsileo et mitoyenne des terres du peuple Tanala.

Pourtant, malgré le fait qu’ils soient généralement considérés comme un sous-groupe des Betsileo, les Zafimaniry ne se disent ni Betsileo, ni Tanala.
C’est de cette ville chaotique, aux nombreuses échoppes d’artisans du bois, de la sculpture en passant par la marqueterie aux milles éclats de bois aux couleurs chatoyantes, que vous rejoindrez ces villages reculés, par une piste traversant rizières et forêts d’eucalyptus.

Etablis au 18ème siècle dans ces montagnes boisées et reculées au sud-est de Madagascar, 25000 Zafimaniry vivent encore aujourd'hui dans la centaine de villages et hameaux dispersés de cette région. Le savoir-faire lié au travail du bois des Zafimaniry a été reconnu en 2003 par l'UNESCO puis inscrit en 2008 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

À l’origine, ils sont cultivateurs, surtout de maïs et d’haricots, leurs principales cultures depuis 200 ans environ, et pratiquent la culture sur brûlis. Toutes ces communautés Zafimaniry sont faites historiquement de paysans-menuisiers, mais les steppes herbeuses ayant remplacé le bois et les forêts, la déforestation les a poussés récemment à se tourner vers d’autres activités économiques, comme l’artisanat leur permettant de valoriser leurs traditions, leur culture, et leur savoir-faire. 


Des maisons de bois assemblées sans clou

Très habiles dans l’art sculptural, les Zafimaniry couvrent pratiquement tout de bois sculpté. Cela va des ustensiles de cuisines jusqu’aux murs, aux volets et aux portes des maisons, en passant par les meubles. Les maisons ainsi que les objets de la vie quotidienne sont fabriquées à partir d’une vingtaine d’espèces d’arbres endémiques adaptées chacune à un type de construction ou à une fonction décorative particulière.

Au cours du périple, vous rencontrerez les derniers tenants d’un artisanat original du travail du bois. Là, vous admirerez ces maisons assemblées sans clou, avec leurs volets et leurs portes sculptés. Traditionnellement, elles étaient conçues pour s'intégrer au milieu naturel, et être démontées facilement, et ainsi s’installer plus loin, sur d’autres collines plus boisées.
Dans la maison, chaque espace est fonction des orientations cardinales (nord, sud, est et ouest) : l’ espace pour la cuisine, celui pour le repas partagé, l’ espace pour les morts, celui pour les animaux que l’on rentre la nuit,… 


Le symbolisme des sculptures renvoie à leurs croyances

Pratiquement toutes les surfaces en bois (murs, fenêtres, poteaux, poutres, chaises, coffres et même les outils) sont richement travaillées.

Les motifs géométriques de leur artisanat proviennent des origines austronésiennes de cette communauté, mais aussi des influences arabes qui imprègnent la culture malgache. Sans parler également de motifs hérités des missionnaires scandinaves.

Les motifs sont ainsi destinés à protéger la communauté, et à témoigner de ses liens avec son environnement. C’est ainsi le secret de leur art… Le symbolisme inhérent à ces représentations renvoie à leurs croyances ancestrales.
21 motifs différents existent: le nid d’abeille et ses alvéoles représentent la vie communautaire, tandis que la corde qui se déroule représente la droiture de la vie, la toile d’araignée, quand à elle symbolise les liens familiaux.

Chez Madagascar Autrement, ces villages où le temps semble suspendu, sont l’occasion de découvrir des traditions ancestrales, à travers cet art symbolique et ces villages, accompagné d’un guide local.
Les villages Zafimaniry, disséminés sur les contreforts de l’Est, absorbés par les brumes ne sont accessible qu’à pied, à travers des sentiers forestiers, et des collines herbeuses.
Seul le village d’Antoetra est accessible en voiture, par une piste traversant les rizières et les forêts d’eucalyptus.

Certains accès aux villages, essaimés sur un territoire vaste et isolé, ne sont pas des plus aisés. Aller à la rencontre des Zafimaniry est déjà une petite aventure en soi et certains sites exigent même plusieurs jours de marche pour y accéder. C’est donc en voyageurs privilégiés, que l’on pénètre le pays Zafimaniry jusqu’à son cœur…

Sur les sentiers, vous découvrirez des pierres dressées en hommage aux ancêtres, les tsangambato, c’est-à-dire « pierres debout ». Il est recommandé d’y laisser des offrandes, comme des pièces de monnaie, du miel ou du rhum local.

Ifasina, est l’un des villages les plus facilement accessible, à partir d’Antoetra (randonnée d’environ 10 km sur une journée, de 4 à 5 heures de marche aller et retour).
Le village de Sakaivo, lui est plus éloigné et le parcours avec des dénivelés plus importants, est conseillé aux randonneurs confirmés.

Les villages zafimaniry perpétuent une tradition de plus en plus difficile du fait de la déforestation et de la pauvreté. Néanmoins, ils se mobilisent et s’efforcent de maintenir leurs traditions et de préserver leur patrimoine, en ayant une politique de reboisement de plus en plus fréquente.
Le tourisme, à condition qu’il soit respectueux des communautés, peut bien évidemment être une réponse à ces difficultés auxquelles doit faire face ce peuple. Toutefois, cette nouvelle source de revenus change la donne puisque les Zafimaniry, traditionnellement isolés, ont désormais établi des liens commerciaux constants avec des commerçants établis à Ambositra qui revendent leurs réalisations aux touristes. 


Quelques informations utiles

« Zahay Zafimaniry », un album d’art où les maximes créées par le collectif viennent éclairer le sens de chaque motif traditionnel.

L’ONG « Des villages et des hommes » a mis en place en 2013, un programme afin d’améliorer les conditions de vie dans les Village Zafimaniry et de de réhabiliter et reconstruction des maisons de bois sculpté.
Une vente d’art en janvier 2013 chez Christie’s Paris (des volets de fabrication récente, gravés d’un côté de motifs zafimaniry et de l’autre décorés par de grands noms d’artistes contemporains) a permis de financer en partie ce programme.

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